"Bonjour à tous chers télélecteurs, et bienvenue à notre causerie de ce soir, qu'a bien voulu nous accorder l'empereur Constantin dans sa magnificence magnanime et son palais de porphyre payé cash, et qui s'intitule en ce jour d'aujourd'hui :
PARLONS POGNON.
Alors cher empereur, tout d'abord merci de nous recevoir.- Pas de quoi, pachuco, pose-toi, il y a du mescal dans le congélateur.
- Grand merci, empereur, vous savez vivre royalement. Euh, divin Constantin, avant que nous commencions, puis-je d'abord oser vous demander au nom de quoi vous allez vous exprimer sur l'économie ? Car enfin, êtes-vous diplômé en économie ?
- Non.
- En finance, en statistique mathématique, en pataphysique énarquienne ?
- Non.
- Vous êtes...vous n'êtes pas populiste au moins ?
- Oh, y'a marqué quoi là ?
- Empereur.
- Bon. Alors d'accord, empereur, ce n'est pas un préservatif contre la connerie. Il y a même eu de sacrées têtes de noeud dans la corporation. Sache donc, ami journaleux incrédule, que j'ai prévu avant tout le monde la crise et la bulle (hé oui regarde bien la date de l'article, même Stiglitz est enfoncé), et que j'ai dit à tout le monde, dès le début, pourquoi il n'y avait ABSOLUMENT rien à attendre d'Obama. Alors, hein !
- Saperlotte, divin empereur, vous m'en bouchez un cuneus.
- Je ne te le fais pas dire, fiston. Hé oui, gouverner c'est prévoir.
- Pfoua !! yo !!
- Fort le mescal, hein ? Bon, je commence. Alors mon petit, tu as vu que le pognon c'est un peu la merde en ce moment hein.
- Voui, empereur.
- Qu'est-ce qui se passe ? Tout le monde l'a bien pigé : le système ne marche que si tout le monde achète plein de merdes MAIS le système ne marche que s'il y a des riches et des demi-riches qui peuvent s'en foutre plein les fouilles, et les autres rien. Or, quand tu as les fouilles qui débordent de pognon et que tu t'es déjà acheté plein de merdes, eh ben ton pognon tu sais plus quoi en faire. Tu vas pas le donner à la collectivité, hein ? (ça s'appelle des impôts).
- Ben non.
- On est d'accord. Donc ton trop-plein de pognon tu vas le placer dans des trucs rigolos et juteux. Et dangereux bien sûr, comme au casino avec Robert De Niro. Et pendant ce temps, les pauvres aussi ils doivent acheter plein de merdes, sinon le système ne marche pas, on l'a vu plus haut. Et comme ils n'ont pas les moyens, on va leur prêter de l'argent qui sera placé dans des trucs rigolos et juteux de casino. C'est la seule chance, parce que sinon les pauvres ils ne remboursent jamais.
- Ça n'aurait pas été plus pratique de s'organiser pour que les pauvres soient un peu moins pauvres et puissent aussi s'acheter des merdes ?
- COMMUNISTE !!! NAZI ANTI-EUROPEEN !! IDIOT UTILE DU STALINISME !!!! ... ...j't'ai fait peur hein ? Bon, on va faire vite, tu as compris : au bout d'un moment, qui c'est qui gagne toujours au casino ?
- C'est la banque ?
- Bravo. T'es sûr que t'es journaliste, toi ? C'est en effet la banque, surtout quand la banque s'appelle l'Etat ( je ne sais pas si tu as remarqué, mais après La Poste, Airbus et autres, on a enfin privatisé l'Etat). Bon, alors maintenant, on a parlé de ce qui s'est passé. Tout le monde le sait plus ou moins, c'était juste un rappel. Maintenant, on va parler de ce qui va se passer dans pas longtemps.
- Quoi donc, ô empereur trop puissant ?
- Eh bien, les débats font rage entre les scribes pour savoir ce qui va se passer au juste. Un petit récapitulatif amusant : nous vivons depuis maintenant un quart de siècle sous un régime néolibéral monétariste. L'idéologie de ce régime, c'est : une monnaie forte, pas d'inflation. Ah, et puis une Europe unie, aussi. Alors l'Europe unie, tu viens de le voir, elle est à peu près aussi unie que l'Empire romain en 476. Quant à la monnaie forte, regarde un peu le cours de l'euro, et ce n'est pas fini. Et enfin, l'inflation. Ah. Il faut que tu saches, ami journaleux, que les scribes spécialistes s'engueulent beaucoup pour savoir, non pas si nous allons être mangés, mais à quelle sauce nous allons l'être.
- Uh ?
- En d'autres termes, si nous allons nous faire niquer par la déflation, ou par l'inflation. Tu sais ce qu'est l'inflation ?
- C'est quand les prix montent ? Et la déflation, c'est le contraire, quand les prix...uëheuh, baissent ?
- Oui, jeune journaleux, c'est la définition standard. En même temps, c'est plus compliqué que ça. Tu peux avoir des baisses de prix réelles sous l'inflation, et des hausses de prix réelles sous la déflation.
- Gné ?
- L'inflation, en fait, c'est quand tout gonfle. C'est quand il y a plein de pognon en plus. L'inflation correspond souvent (mais pas toujours), en bonne logique, à une période de prospérité économique puisque les gens ont plein de plus de sous et qu'ils les remettent vite-fait dans l'économie en s'achetant plein de merdes, ou même des choses utiles, comme une maison. Le problème, c'est que cette inflation de pognon peut être saine ou pas. Elle est saine si elle ne dérape pas trop et que l'inflation des salaires suit celle des prix : dans ce cas, le pognon est réparti un peu mieux équitablement et tout le monde peut un peu s'acheter des merdes, et le système fonctionne le moins mal possible.
- Mais, là bien sûr, on était dans une période d'inflation malsaine ?
- Evidemment mon petit, évidemment, puisque les salaires ne suivaient pas. Alors bien sûr, certains prix ont baissé, genre les merdouilles électroniques pour s'amuser et se dire qu'on est plus riche qu'avant, mais les vrais trucs sérieux pour les vrais riches (l'immobilier, quoi) ont gonflé, gonflé.... et c'était de la mauvaise inflation, d'autant que ça a fini par se détacher du reste de l'économie. Tiens, une petite analogie : pour faire la différence entre la bonne et la mauvaise inflation, imagine la différence entre une bonne grosse érection matinale, pleine de présages d'avenir, et un bubon qui enfle.
- Pfoua !!!
- Comme tu dis. Au bout d'un moment, le bubon crève et on entre en déflation. Elle a commencé, là.
- C'est cool la déflation, non, les trucs vont être vachement moins cher ? Genre je vais pouvoir m'acheter un iCrad avec un port USB !!
- Ha ! Ha ! Ha ! misérable moucheron ! Alors un, les iCrad avec port USB ça n'existe pas, tu t'imagine pas que tu vas en avoir un pour 500 euros, non ? et deux, non la déflation c'est pas cool.
C'est pas cool parce que les prix baissent, certes... mais ton salaire aussi, parce que la déflation c'est la bonne grosse crise. Tu t'imaginais pas que les riches qui se sont gonflés en période d'inflation, ils allaient se dégonfler tout seuls gentiment, non ?
- C'est ça, alors, l'histoire des prix réels ?
- C'est bien ça. Par exemple, c'est bien gentil d'avoir un iCrad ou une paire de Converse à moins 10%, mais si dans le même temps ton salaire baisse de 25%, tu l'as dans l'oignon. Et puis surtout, la déflation c'est un truc qui s'auto-entretient, puisque ton pognon de là maintenant, tout de suite, il vaudra moins cher que demain. Donc, toutes les merdes que tu peux acheter plus tard, tu les achèteras plus tard...et d'autant plus tard qu'entre-temps, t'auras perdu ton boulot, hé hé. Et là, fini l'iCrad et bonjour les biscottes Terreur Price. Du coup, on achète de moins en moins de merdes, et même de trucs utiles, et le système se vautre au ralenti de plus en plus vite.
- En fait, la déflation, ça ne profite qu'à ceux qui ont déjà du vrai pognon bien à eux et qui peuvent se le garder ?
- Hé oui.
- Donc, la déflation, c'est de droite ?
- Hé oui.
- Et l'inflation ?
- L'inflation en théorie, c'est l'euthanasie du rentier, tu le sais bien, petit. Mais, comme on vient de le voir, il y en a de la bonne et de la mauvaise. Là, on sort d'une qui était d'autant plus mauvaise qu'elle était cachée. (Enfin...). Normal : c'était surtout les riches qui en profitaient. Et ça continue d'ailleurs : les Etats et autres banques centrales sont en train d'imprimer de la tune à tour de bras pour entretenir la bonne grosse bulle de crédit, que si jamais elle pète, ce sera la Mère de toutes les Déflations. Et bien sûr, cette tune profite principalement à ceux qui ont déconné. Prêté n'importe quoi à n'importe qui.
- Donc, l'inflation, c'est de droite ?
- Hé oui, celle-là, oui.
- C'est la faute au banquier, alors ?
- Si tu vois un vautour sur une charogne de buffle, c'est le vautour qui a tué le buffle ?
- Hé non.
- Le banquier ne fait que profiter des déséquilibres sociaux dont je te causais plus haut. Alors il faut le calmer, le temps qu'on se partage les steacks de buffle dans de bonnes conditions, mais si c'est la soif ou la faim qui ont tué le buffle, le vautour n'y est pour rien. Disons qu'il est une circonstance aggravante.
- Mais pourtant...avec toute la (fausse) tune que les banquétats injectent dans l'économie, normalement on devrait déjà être en inflation non ?
-Tu suis un peu, journaleux ? Je viens de te dire qu'ils ne la réinjectaient pas dans la vraie économie - on ne sait jamais, ça pourrait aider des gens, pouah - mais principalement dans les bulles de la dette et du casino boursier. Donc c'est normal que ça n'atteigne pas l'économie réelle et qu'au quotidien, tu ne voies pas la différence. En fait, c'est ÇA le point d'engueulade des scribes. Il y a les déflationnistes qui disent : "la déflation est tellement grosse qu'ils peuvent bien injecter ce qu'ils veulent, ça sert à rien" ; et les inflationnistes qui disent : "à force d'injecter de l'air dans une bulle, même à moitié dégonflée, elle va finir par exploser". Ça veut dire que les gens vont finir par se rendre compte que le pognon c'est que de l'air. D'où perte de la valeur de la monnaie (l'air, ça ne vaut rien) et hyperinflation du genre rigolo où tu t'amènes avec une brouette de milliards pour acheter ta baguette, et y'a Hitler qui gagne à la fin (après une période de déflation d'ailleurs, mais là ça devient plus compliqué).
- Et vous en pensez quoi, vous, divin empereur ?
- Pour avoir une réponse, il faudrait avoir une idée précise de la taille des bulles et des vitesses de dégonflage/remplissage. Et ça, personne n'en a la moindre idée (précise, je précise). Eric Woerth, ce lumignon de la pensée, peut t'annoncer avec précision l'avenir des retraites au mois près en 2040. Il est fort. Mais je te garantis que ni lui (ni Jean-Claude Trichié ni notre prochain président Doigté Subtil Kidnappeur) n'a la moindre idée de ce qui va se passer. Sauf qu'on va se faire baiser, bien sûr.
- Donc, pour résumer, la déflation c'est de droite, l'inflation c'est de droite...l'économie, ça serait pas un peu de droite ?
- Je te laisse l'entière responsabilité de cette conclusion, ami journaleux. Va en paix.
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