dimanche 21 juin 2009

Socrate contre Cohn-Bendit


- Yo Socrate !
- Yo, Critoubolos. Yo Aristodikus.
- Alors, Socrate, ces européennes ! Le triomphe de Cohn-Bendit, hein ?
- Oui, certes. Enfin y'avait pas grand monde à l'Ecclesia, n'est-ce pas ?
- Tout à fait, Socrate.
- Mais ce qui craint le plus, c'est que Cohn-Bendit (enfin, pas lui, hein, ce qu'il représente) est un homme dangereux.
- Comment cela, Socrate ? Serait-ce parce qu'il représente l'anarchie venue de l'étranger ?
- Lui, un anarchiste ? En vérité ne me fais pas rire, Critoubolos, j'ai encore mis du vin partout. J'en ai même sur le front, on dirait Gorbatchev.
- Mais alors, Socrate, dis-nous en vérité, pourquoi ce Cohn-Bendit est-il un homme dangereux ?
- Eh bien mon ami, pour te répondre, il convient d'abord de nous poser quelques questions et d'y répondre, car c'est ainsi que l'on doit procéder chaque fois qu'une délibération difficile s'offre à nous, n'est-ce pas ?
- Euh, ouais ouais, Socrate, ouais...
- Hé, Aristodikus, si je t'emmerde, faut le dire tout de suite hein ?
- Euh, ouais ouais, Socrate, euh je veux dire non bien sûr, vas-y.
- Donc : en tant qu'êtres humains, ne sommes-nous pas différents du divin, en ceci que nous sommes imparfaits ?
- Oui, Socrate.
- Et la manifestation de cette imperfection n'est-elle pas particulièrement éclatante lorsqu'on considère ceci : nous avons tous une part mauvaise en nous ? Et cette part mauvaise, ne se manifeste-t-elle pas dans la haine et la colère aveugles ?
- Oui, Socrate.
- Donc, cette haine et cette colère aveugles ne sont pas l'apanage du méchant ?
- Non, Socrate.
- Et ne dirons-nous pas, en somme, que tous peuvent se montrer méchants hommes, esclaves de leur haine, à l'occasion ?
- Certes oui, Socrate. Mais donc, en quoi, nous diras-tu, Cohn-Bendit - ou ce qu'il représente - est-il un homme dangereux pour la cité et la concorde ?
- Eh bien, Cohn-Bendit, outre le fait qu'il ne représente aucune opposition réelle face à la Démagogie et l'Oligarchie qui gouvernent actuellement notre cité, avec les troubles que nous voyons tous, Cohn-Bendit se fait l'apanage du Bien. Il est pour la croissance verte, pour les fleurs, pour les enfants (voire tout contre, mais il ne faut pas le rappeler sinon on perd les élections), pour la liberté totale de tous et l'amitié entre les hommes, maîtres, métèques, artisans et esclaves.
- Mais, Socrate, cela est plutôt désirable. Nous éclaireras-tu sur ce danger ?
- C'est ce que nous allons maintenant aborder, Critoboulos. Tu connais bien la cité, tu connais ses citoyens. En connais-tu un seul qui soit contre la croissance verte, les fleurs, les enfants ou l'amitié inconditionnelle entre les hommes ?
- Non, Socrate.
- C'est donc que tous les hommes sont partisans du Bien, alors ?
- Non, Socrate...puisque nous voyons que les hommes peuvent être méchants.
- Alors, Critoboulos ? Comment cela est-il possible ? Ne serait-il pas plutôt vrai que tout le monde s'affirme partisan du Bien, de la Justice et de l'Harmonie, tout en faisant souvent le contraire ?
- Oui, Socrate.
- Ne serait-il pas plutôt vrai que, pour la polis, le vrai problème est ailleurs ?
- Ah merde alors, tout à fait Socrate.
- Comme par exemple, de reconnaître le méchant qui est en chacun de nous, pour mieux le combattre ? Non pas pour le supprimer totalement, car cela est impossible, ainsi l'ont voulu les Dieux, mais le maîtriser, l'enchaîner comme Hadès le fit avec Cerbère - voire le rendre utile ce faisant ?
- Oui, Socrate.
- Cette réflexion, difficile et ardue, mais nécessaire, que nous aborderons sans doute dans un prochain banquet, n'est-elle pas plus importante que de crever l'outre d'Eole en battant l'estrade, répétant des platitudes que tout le monde a sucé à la mamelle de la Cité ?
- Oui, Socrate. C'est donc pour cela, nous dis-tu, que Cohn-Bendit est dangereux ? Parce qu'il promeut une vision infantile de la politique ?
- En vérité, Aristodikus, c'est toi qui es parvenu de toi-même à cette conclusion. Maintenant, allons-nous en rester là ?
- Non, Socrate, certes pas. D'autant que Kalophallos le giton vient d'arriver, chargé de plusieurs amphores.
- Voilà en vérité une bonne nouvelle [bruits divers]. Mais reprenons notre conversation. Lorsqu'un honnête citoyen, en quête de réponses adultes aux questions qu'il se pose quant à la bonne marche de la Cité, ne reçoit en réponse que ce discours informe et pédophilisant - euh, infantilisant - qu'il connaît par coeur, ne peut-il pas légitimement s'en agacer ?
- Si, Socrate.
- Et, chez les plus frustes de nos citoyens, cet agacement ne peut-il pas se muer en colère ?
- Tout à fait Socrate.
- Et cette colère, n'avons-nous pas vu qu'elle est la caractéristique de l'homme méchant ?
- Si, Socrate.
- Ne peut-on pas dire que trop de bonté exhibée, outre le fait qu'elle suinte l'hypocritês, ne suscite que courroux chez ceux qui l'entendent, et sentent confusément qu'elle ne répond pas à leurs préoccupations, et qu'elle est un masque pour autre chose ?
- Oui, Socrate.
- Et ce courroux, donc, peut libérer l'homme méchant qui sommeille en chacun de nos concitoyens. N'est-ce pas vrai ?
- Tout à fait Socrate. Tu veux donc dire que le bobo et son babillage-habillage à peine dissimulé du néolibéralisme de XIXe siècle - sert, en plus, de chiffon rouge facile pour les bons beaufs de la droite jambon-beurre, qui du coup deviennent d'autant plus teigneux, racistes et homophobes, rien que pour faire chier ce monde qui les méprise, et qu'ils assimilent à Cohn-Bendit ?
- Putain les mecs vous avez tout compris. Vous me trouez.
- Tout à fait, Socrate.

3 commentaires:

Unknown a dit…

Enorme mon cher Empereur !

Kaos !

Anonyme a dit…

Formidable, ajouterai-je!
Lol!
MDR!
Gasp!
Schlika schlika!

Gaétan.

misssfw a dit…

J'ai failli comprendre le mythe de la caverne, dis donc.